Emerse Faé : De joueur émérite à entraîneur victorieux de la Côte d'Ivoire à la CAN 2024


À l'âge de quarante ans, Emerse Faé prit place le 24 janvier dernier sur le banc de la Côte d'Ivoire lors de la Coupe d'Afrique des Nations 2024, assumant ainsi l'intérim à la suite du limogeage du sélectionneur Jean-Louis Gasset. Animé d'une ambition sans borne, l'entraîneur par intérim des Éléphants conduisit ses joueurs à la victoire dimanche dernier face au Nigeria. Celui qui, fort d'une carrière honorable en tant que joueur en Ligue 1 et qui s'est érigé en figure emblématique sur le terrain en tant qu'entraîneur, n'est certainement pas étranger à la trajectoire triomphale des Ivoiriens lors de cette compétition.


Certains anniversaires demeurent inoubliables. Le jour où Emerse Faé souffla ses quarante bougies, le 24 janvier, fut également le jour où il fut nommé entraîneur par intérim de la Côte d'Ivoire, succédant ainsi à Jean-Louis Gasset et son adjoint Ghislain Printant, destitués de leurs fonctions pour "résultats insuffisants" en plein cœur de la Coupe d'Afrique des Nations.


Deux jours auparavant, les Éléphants essuyaient une humiliante défaite à domicile face à la Guinée équatoriale (4-0) et semblaient compromettre leur qualification. Finalement, ce même 24 janvier, la victoire du Maroc face à la Zambie (1-0) propulsa indirectement les Ivoiriens en huitièmes de finale de la CAN 2024. Avec le parcours glorieux qui s'en est suivi : des victoires successives contre le Sénégal, le Mali, la RD Congo et enfin le Nigeria en finale. Il est peu probable que l'entraîneur débutant ait anticipé un tel dénouement lorsqu'il prit ses fonctions avant les phases à élimination directe.


Emerse Faé arborait un visage rayonnant après la finale remportée contre les Super Eagles. Le sélectionneur de la Côte d'Ivoire ne tarit pas d'éloges sur le parcours triomphal des Éléphants : "C'est plus qu'un conte de fées, j'ai du mal à réaliser encore que nous l'avons réalisé, quand je repense à tout ce que nous avons traversé. Nous sommes des miraculés, nous avons conquis cette coupe, car nous n'avons rien lâché. Nous avons combattu jusqu'au bout, nous avons su surmonter les obstacles."

L'entraîneur revient de loin avec son groupe. Lors de sa première conférence de presse, le 28 janvier, il ne s'était pas caché derrière son petit doigt, conscient que les Ivoiriens s'étaient qualifiés en "passant par la petite porte". Et il avait mis en garde : "On se doit de montrer un autre visage au peuple ivoirien".


La mission qui paraissait alors impossible a été pleinement accomplie. Mais contrairement aux apparences, Emerse Faé ne partait pas de nulle part avec la Côte d'Ivoire. Il expliquait, le 28 janvier : "Contrairement à ce que les gens peuvent croire, je n'ai pas eu que trois jours pour préparer le match, le fait que je connaisse le groupe me fait gagner pas mal de temps. C'est un groupe que je connais depuis un an et demi. Je connais les mots et les comportements à avoir pour changer leur état d'esprit." Le message est visiblement bien passé dans les semaines qui ont suivi.


Né à Nantes en 1984, Emerse Faé intègre le centre de formation des Canaris en 1995 qu'il fréquente pendant huit ans jusqu'à son premier contrat professionnel. "Il a été formé à la belle école nantaise", se souvient le journaliste Xavier Barret, consultant pour France 24, qui l'a également côtoyé sur les plateaux de Canal+ Afrique.


Avant de découvrir le monde professionnel, le milieu de terrain fait ses débuts internationaux chez les Bleuets, totalisant 10 sélections des U16 aux U21 entre 2001 et 2004. À son palmarès, un titre de champion du monde U17 remporté en 2001 en compagnie d'une génération dorée composée notamment de Florent Sinama-Pongolle, Anthony Le Tallec, Mourad Meghni ou encore Jacques Faty.

"Il fait partie de cette génération-là. Mais sur une vingtaine, un seul est devenu international A : Florent Sinama-Pongolle", rappelle Xavier Barret.


Alors qu'il évolue au FC Nantes, où il dispute 126 matches entre 2003 et 2007, Emerse Faé se tourne vers la sélection ivoirienne et honore sa première cape le 27 mars 2005 contre le Bénin (victoire 3-0). Dès lors et jusqu'en 2012, il va porter 44 fois les couleurs des Éléphants – pour un but inscrit.

Après Nantes, il fait un timide passage en Angleterre au Reading FC en 2007 (11 matches), avant d'être prêté à l'OGC Nice l'année suivante puis d'y être définitivement transféré. Il dispute près de 100 matches avec les Aiglons et finit par mettre fin à sa carrière en 2012 à cause de phlébites à répétition. À seulement 27 ans.


Mais le néo-retraité ne perd pas une minute et se reconvertit rapidement en entraîneur. Il intègre le centre de formation de l'OGC Nice en 2012 et coache successivement les U17 puis les U19. En 2021, il quitte les Aiglons et entraîne l'équipe réserve du Clermont Foot pendant une saison.

"C'est un passionné de foot. Il s'est rapidement orienté vers l'entraînement des jeunes, c'est vraiment un homme de terrain", explique Xavier Barret. "Quand l'opportunité de rejoindre la Côte d'Ivoire se présente pour être l'adjoint de Jean-Louis Gasset, il n'hésite pas à tenter l'aventure."


"Emerse, il se lève coaching, il mange coaching et il dort coaching. Tout est basé sur le coaching", a aussi souligné auprès de L'Équipe Abdoulaye Meïté, l'ancien marseillais proche du sélectionneur de la Côte d'Ivoire. 

Pour Xavier Barret, "c'était l'homme de terrain idéal" pour Jean-Louis Gasset et Ghislain Printant, qui ne pouvait faire appel à Didier Drogba, concurrent du président de la fédération ivoirienne, ni aux frères Touré, qui entraînent en Angleterre.


La suite de l'histoire, on la connaît : l'adjoint est promu entraîneur par intérim de la Côte d'Ivoire après le début de compétition compliqué des Ivoiriens. Malgré la rumeur Hervé Renard apparue dans les médias, c'est bien Emerse Faé qui sera sur le banc des Éléphants face au Sénégal et lors des matches suivants.

Du costume de novice, il endosse rapidement celui de sauveur du pays avec des choix tactiques payants : face au Sénégal et au Mali, les trois buts de la Côte d'Ivoire sont inscrits par trois joueurs entrés en cours de match.

L'entraîneur va aussi titulariser des joueurs qui vont changer le visage et le jeu des Éléphants, à l'image de Max-Alain Gradel et de Jean-Michaël Seri. Emerse Faé va aussi bénéficier de choix effectués par... Jean-Louis Gasset avant la CAN 2024, quand il a sélectionné Sébastien Haller et Simon Adingra alors qu'ils étaient blessés. Ces deux attaquants ont finalement joué un rôle clé dans les matches à élimination directe.


Après la victoire finale de la Côte d'Ivoire, Emerse Faé a d'ailleurs rendu hommage à son prédécesseur "en félicitant Jean-Louis (Gasset), parce que c'est aussi sa victoire


La compétition à rebondissements des Éléphants a sûrement provoqué plusieurs fois des ascenseurs émotionnels au nouvel entraîneur, mais à la fin ce qu'il retient c'est "la joie" : "C'est énorme ce qui m'arrive, je rêvais de gagner la CAN, en tant que joueur je n'ai pas su le faire (il avait perdu la finale en 2006, NDLR)

Celui que personne n'attendait a donné sa troisième Coupe d'Afrique des nations à la Côte d'Ivoire. Xavier Barret concluait de manière prémonitoire au sujet d'Emerse Faé : "Il se retrouve en première ligne, c'est finalement juste une promotion un peu précipitée. Parfois, les circonstances font qu'en vous jetant à l'eau un peu plus vite que prévu, vous vous retrouvez à des postes, à des responsabilités inespérées. Et cela peut vous sourire." L'entraîneur ivoirien est, en effet, tout sourire depuis le 11 février.

Après la victoire finale de la Côte d'Ivoire, Emerse Faé a d'ailleurs rendu hommage à son prédécesseur "en félicitant Jean-Louis (Gasset), parce que c'est aussi sa victoire".


La compétition à rebondissements des Éléphants a sûrement provoqué plusieurs fois des ascenseurs émotionnels au nouvel entraîneur, mais à la fin ce qu'il retient c'est "la joie" : "C'est énorme ce qui m'arrive, je rêvais de gagner la CAN, en tant que joueur je n'ai pas su le faire (il avait perdu la finale en 2006, NDLR)".

Celui que personne n'attendait a donné sa troisième Coupe d'Afrique des nations à la Côte d'Ivoire. Xavier Barret concluait de manière prémonitoire au sujet d'Emerse Faé : "Il se retrouve en première ligne, c'est finalement juste une promotion un peu précipitée. Parfois, les circonstances font qu'en vous jetant à l'eau un peu plus vite que prévu, vous vous retrouvez à des postes, à des responsabilités inespérées. Et cela peut vous sourire.